Karakuri Circus (de FUJITA Kazuhiro) a connu une carrière très malchanceuse en France. D’abord ignoré par le public français, à cause d’un synopsis peu engageant de prime abord mais surtout de son style graphique, chargé et appuyé, donc peu séduisant au premier abord. Ce style laissait entrevoir pourtant une certaine souplesse, tout aussi bien efficace pour les scènes comiques que pour les moments de dramaturgies intenses, d’autant plus que chaque personnage était différent dans son design. Mais ce style était encore un peu balbutiant au début, se trouvant à l’opposé des canons d’esthétisme imposé par les hits de la même époque, comme Naruto et autre shonen dotés d’un graphisme plus clair et épuré. Détail, beau décors, personnages charismatiques, et mise en scène époustouflante sont pourtant de mise dans ce manga.
Pour un shonen, il était aussi très original dans son scénario, difficile à aborder au premier abord car en constante mutation. Après 3 tomes d’introductions [ndr: qui vous feront penser à la première saison de Gurren-Lagann, mais chut...], la direction du manga change pour développer une double intrigue: la première est du style comédie/tranche de vie dans l’univers d’un cirque itinérant qui éprouve bien des difficultés pour s’en sortir, mais qui rencontrera des gens aux talents exceptionnels pour soutenir cette cause. Tandis que l’autre intrigue, elle, concerne une histoire d’aventure/action/combat mettant en scène des manieurs de marionnettes géantes et surpuissantes luttant contre des automates terrifiants doués de vie, et ce pour obtenir la pierre philosophale![ndr:généralement, c'est à ce moment là que les gens ont plus trop confiance]
C’est quand même étonnant, non ,comme narration? Mais c’est normal que vous soyez déconcerté, car je ne vous ai pas encore exposé le synopsis:
- Citation :
Dans la Bretagne du XVIIe siècle, un alchimiste éconduit crée l’Aquae Vita qui permet de donner le vie à une simple poupée mécanique… Dans le Tokyo actuel, Narumi, déguisé en ours, divertit les passants lorsqu’un soudain malaise le contraint à suspendre son spectacle. Le seul spectateur à sourire de ses pitreries se fait enlever sous ses yeux… Narumi le secourt, sans hésiter. Le jeune Masaru lui révèle qu’il est l’héritier d’un colossal empire financier, spécialiste des mécaniques de précisions… Que contient l’étrange et énorme valise qu’il traine à ses côtés et qui semble attirer toutes les convoitises ?
[synopsis des éditions Akata/Delcourt]
Les trois principaux protagonistes sont les suivants:
-Narumi, japonais de 18 ans bourru et imposant, expert en kung-fu, qu’il a apprit lors d’un séjour en Chine. Malgré ses apparences de bad boy, c’est un homme attentionné, protecteur, mettant un point d’honneur à extirper les gens du malheur. Mais il une terrible faiblesse: la maladie de Zonopha, qui le met en danger de mort, car si une personne fait preuve d’anxiété à côté de lui, il a une attaque. Le seul moyen de calmer ses crises, c’est de faire rire les gens. Et quand on est un pratiquant d’art martiaux de 1m90, c’est pas facile.
-Masaru, fils “illégitime” d’un milliardaire mort dont il hérita toute sa fortune. C’est un garçon pleurnichard qui souffre de sa faiblesse et qui est maintenant poursuivis par les membres de la famille de son père, ce afin de lui extirper son héritage. A travers des épreuves qu’on ne souhaiterait qu’aucun enfant n’ait à subir, et grâce à l’influence de Narumi, il évoluera progressivement et se montrera attachant, faisant preuve d’intelligence et noblesse.
-Shirogane, une mystérieuse femme d’origine française, acrobate surdouée du cirque du soleil, et experte en manipulation de marionette géante. Elle est froide, impassible, déterminé son âme tourmentée, trainant derrière elle un passé éprouvant. Il n’y a qu’en présence de Masaru, dont elle est chargée de protection, qu’elle semble plus ouverte et chaleureuse. Ne faisant confiance à personne, elle sera réticente à être au côté de Narumi. Mais en le fréquentant, son cœur s’ouvrira en plus en plus.
Suivrons pléthore de personnage charismatique comme Ashihana, le chasseur de prime, Guy Christophe-Rech, élégant français, Lucille, la bicentenaire rongée par la vengeance, Taranda, la dresseuse de fauve, Shinobu Nakamichi, directeur du cirque qui porte son nom, et bien d’autres encore, ayant tous une histoire et une personnalité travaillée.
Dans Karakuri Circus, rien n’est évident. N’importe quoi peut arriver et le lecteur n’est pas ménagé. Il y a des morts dramatiques, des scènes difficiles, des intrigues tordues, des références à la culture européenne à tout va, des réflexions intelligentes sur la mort, le sacrifice, les responsabilités, la souffrance, la définition de l’être vivant et les sentiments qui surpassent, et même, malmène les propos tenus par d’autres manga de type shonen.
Ce manga passerait même pour un seinen sans les quelques codes et thématiques chères au genre, tel que l’aventure, l’amitié, les confrontations. D’ailleurs, les combats sont dynamiques, haletants, violent et emprunts d’une dimension épique, symbolisant toujours une étape dans l’évolution émotionelle des protagonistes. Rien n’est vain dans Karakuri Circus, tout est calculé, comme les mécaniques d’une horloge.
Et puis, vous avez aussi le côté “cirque et grand spectacle” rare dans le monde du manga. Vous serez plus familier à ce monde: vous apprendrez des termes techniques, vous connaitrez le style de vie des artistes itinérants, vous tremblerez autant lors des exploits acrobatiques des personnages que lors d’un combat enragé d’un autre manga, vous partagerez avec eux les difficultés rencontrées dans cet univers, etc. Même les automates et marionnettes ont un rapport avec le milieu du spectacle, semblant tous sortir d’un carnaval ou d’un théâtre d’Arlequin (La Comedia del Arte, avec Arlequin, Polichinelle, Pantalon, Pierrot, Matador et tout ses personnages connus dans notre folklore européen). Design délirant garantis.
C’est donc un manga de grande stature qui s’est arrêté et qui n’a injustement gagné que peu de notoriété, si ce n’est un succès d’estime auprès de ses fans fidèles. A cause d’un graphisme inhabituel, d’un scénario qui mettait son temps à se développer mais qui pourtant amenait vers un univers riche, de problèmes markéting et éditoriaux aggravé par la mauvaise volonté des éditeurs japonais trop restrictif (ce manga a été un carton au Japon et était publié dans le même magasine que Detective Conan, Zatchbell ou Yakitate Japan, soit le Shonen Sunday), amenant à des changements de couverture censées attirer les lecteurs (alors que les illustrations commençait à être vraiment belle).[ndr:vous pouvez les louper: ce sont tous des monochromes moches avec un personnage incrusté dans un coin]
C’est une succession d’erreur et d’incompréhension qui amena Karakuri Circus au résultat que l’on connait; c’est à dire son interruption au beau milieu de l’histoire.
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De la même façon que vous êtes le seul site français exclusivement consacré à l'univers de Jojo's Bizzare Adventure (pour le moment), voici le seul forum français de la communauté autour de Karakuri Circus:
http://karakuri.bb-fr.com/