Litterature: SF, Fantasy, Policier et autres...

L'Oiseau d'Amérique (Mockingbird) - Walter Tevis

Deux jours ! Il ne m'aura fallu que deux "petits" jours pour dévorer ce roman que je classerai au même niveau que Le Meilleur des Mondes d'Aldous Huxley et Un Bonheur Insoutenable d'Ira Levin !

Nous sommes au XXVéme siècle et l'Humanité se meurt à petit feu. Un robot de Classe 9, le plus évolué des androïdes, ne peut que constater ce déclin et est incapable de se suicider, il a été programmé comme ça ! L'humanité est nourrie de télévision, drogue, sexe et les Règles de Vie inculquées dès l'enfance la rendent complètement passive. Le héros du roman, Bentley, va découvrir par hasard l'art de la lecture et de l'écriture, proscrits depuis des siècles. Sa rencontre avec Mary Lou, libérée du système, va éveiller leur conscience à la condition humaine à travers les livres et de vieux films muets. Le destin croisé de ces trois personnages sera-t-il le salut de la survie du genre humain ?

La narration de ce livre est assez intelligente. On suit le parcours des trois protagonistes sous forme de journal à la première personne pour les humains et de texte à la troisième personne pour le robot. Le roman est rempli d'une certaine mélancolie limite contagieuse. On en vient à se poser les mêmes questions existentielles que les héros, d'autant plus que l'appauvrissement de l'éducation et de la culture est un sujet toujours d'actualité.

A titre personnel, j'avais rejeté la littérature en général étant ado, par simple esprit de rébellion. L'obligation rendait mes lectures ennuyeuses. Un jugement qui a évidemment évolué avec le temps et auquel ce livre fait écho. Aujourd'hui, la lecture est pour moi un hobby très important et ce roman ouvre encore des perspectives de découverte auxquelles j'avais déjà commencé à penser (j'ai lu dernièrement un ouvrage sur l'histoire de l'Empire Romain pour me rafraîchir les lointains souvenirs de mes cours de latin).

L'Oiseau d'Amérique (*) est donc pour moi un classique instantané que je lirai plusieurs fois comme les oeuvres citées en début de chronique. C'est rare qu'un roman me touche comme ça personnellement, comme s'il avait été écrit pour moi, par un auteur peu prolifique qui mérite toute mon attention !

Bref, comme j'aime si bien le dire et l'écrire : "IL FAUT LE LIRE !"

(*) : Le titre anglais du livre fait référence à une phrase que le héros découvre dans un film muet et dont la signification ne cessera de le hanter. Il aurait donc été judicieux d'appeler le roman "L'Oiseau Moqueur" et non d'Amérique, qui ne veut absolument rien dire dans le contexte du roman !

CITATION :
"Je n'arrive pas à savoir si la Sainte Bible est un livre d'histoire, de poésie, ou autre. Elle parle de beaucoup de gens étranges qui paraissent à peine réels." (p210)

La Première Loi -tome2- Joe Abercrombie
"Déraison et sentiments"

On retrouve dans ce deuxième volume les protagonistes là où nous les avions laissés.
Un peu d'eau a tout de même coulé sous les ponts puisque chacun d'entre eux se retrouve affecté à son nouveau poste.

Commençons par Glotka, l'inquisiteur. Celui-ci reste fidèle à lui-même et à ses fonctions.
Il débarque dans une citadelle promise à une invasion inéluctable de l'ennemi, avec pour mission de faire la lumière sur la disparition de son prédécesseur et de défendre jusqu'au bout ce point stratégique.
Il est d'emblée confronté à l'antipathie et à l'incompétence des membres dirigeants.
Tout en traînant sa jambe inerte et son sourire édenté, il va s'évertuer à débusquer le traître infiltré dans la cité et repousser au mieux les assauts ennemis.
Pas de doute, c'est un personnage qui fera date dans mes lectures! Son charisme dénué de toute empathie et de toute facétie est unique et absolument délectable!

Le commandant West, tout fraîchement promu, est quant à lui envoyé au front, dans le froid et la boue. Il a lui du mal à composer avec son état-major qui inclut le prince lui-même et son entourage des plus zélé!
Il croisera la route de la bande de Logen, des guerriers du Nord, qui se révéleront être une aide bien plus efficace que sa propre armée pour oser espérer défier Bethod, le roi du Nord auto-proclamé!
West s'affirme en compagnie des guerriers rompus que sont Renifleur, Dow Le Sombre ou encore leur chef, Rudd Sequoia. Ceux-là sont, encore une fois, irrésistibles!

Logen est quant à lui en compagnie de Bayaz, le Mage; Ferro, la guerrière du Sud (le personnage le plus vénère!); Jezal, le bellâtre qui va se découvrir à leurs côtés; Frère Long-Pied, un voyageur des plus casse-pieds et Malacus Quai, l'apprenti de Bayaz.
Ils arpentent pendant un long moment un territoire hostile afin d'arriver au "bout du monde" pour y trouver "la Graine", un puissant artefact.
A travers cette longue marche, Logen, le guerrier barbare, terreur du Nord, ayant affronté Bethod après l'avoir servi, décuple ses efforts pour nouer des liens avec ses compagnons et arriver à ce que tout le monde évite de s'étriper...


On avance encore doucement ici, il y a plus d'affrontements (superbement décrits), quelques révélations (de la part de Bayaz notamment) et l'occulte commence à pointer le bout de son nez!

Pas moyen de m'ennuyer, encore une fois, avec ce second tome tellement les personnages dirigés par l'auteur transpirent de sincérité dans leur façon d'être! L'histoire en elle même n'est pas si captivante, mais elle a le mérite de servir d'écrin à des personnages hauts en couleur!

Silo (*) de Hugh Howey (2012)

Voilà un roman au parcours un peu particulier. Publié sous forme de nouvelles sur internet, le succès ouvrit les portes de la publication papier. On parle même de "phénomène". L'auteur a donc compilé les nouvelles existantes avec de nouveaux écrits pour nous pondre ce premier volume d'un cycle qui en comprendra trois. Un pavé de plus de 600 pages tout de même…

L'Humanité vit recluse dans un Silo où la vie est réglée au millimètre près ! Chacun a une place et un poste prédéfinis. Mais quand quelqu'un émet l'envie de voir l'extérieur, il est arrêté et envoyé au "nettoyage". Une tâche qui le condamne à mort et qui consiste à sortir définitivement du Silo pour nettoyer les caméras qui renvoient aux habitants une vue du monde extérieur dévasté par on ne sait quel cataclysme. Mais l'idée que cette vue est un leurre va troubler l'équilibre établi et Juliette, notre héroïne malgré elle, mécanicienne exilée au fond du Silo, va se retrouver à jouer un rôle important pour la survie du Silo et de l'Humanité.

La première chose qui frappe, c'est le style. L'auteur nous présente beaucoup de choses, voire trop et finit par nous noyer dans d'interminables descriptions qui, personnellement, m'ennuient énormément. Tout ça se ressent sur la "vivacité" du récit qui, s'il avait été plus concis, aurait gagé en fluidité et surtout en rythme. Par moment, c'est vraiment LENT ! Mais je dois avouer que le style de l'auteur est assez brillant et la traduction le rend bien.

Les enjeux posent également un petit problème. Sans vous dévoiler les choses, sachez simplement qu'on a vite deviné les tenants et aboutissants de l'histoire, et malgré les tentatives, parfois très réussies, de l'auteur à nous plonger dans un suspense suffocant, on est vite gagné par cette lenteur. En fait, l'histoire commence fort… trop fort. Les 50 premières pages sont un modèle d'introduction et correspondent certainement à la première nouvelle que l'auteur a écrite. Tout ou presque y est exposé et on se demande comment le suspense va pouvoir durer autant de pages… Un léger problème de dosage du au mode de publication du roman je pense…

Au delà de ces points négatifs, la lecture est assez agréable quand on a compris le principe de l'histoire et de la narration. Je retiendrai le personnage de Juliette, à qui il arrive toutes sortes de choses dont on se demande comment elle s'en sortira, et une "menace globale" qui ne prend pas vraiment forme ici mais qui s'annonce intéressante dans les prochains tomes. A noter également que ce livre est très récent et l'auteur nous décrit des mécanismes par des termes techniques de notre génération. On est donc jamais perdu comme dans certains "vieux" romans d'anticipation où certaines inventions nous font rire ou nous semblent "ringardes"…

Pour conclure, je définirai ce roman comme bon divertissement accrocheur, pour peu qu'on fasse abstraction des quelques défauts cités plus haut. Très recommandable pour les curieux en quête de nouveauté et assez prenant pour me donner envie de lire la suite.

CITATION:
(contexte: on parle bien de la fameuse rampe d'escalier du Silo)
"Il n'eut plus qu'à admirer cette barre d'acier qui tournoyait avec grâce, ses spirales régulières et sans fin. Il l'envisagea comme un filin relié à la terre, une corde cosmique dont il ressentait les vibrations, un brin dADN au coeur du silo autour duquel s'agrégeait toute forme de vie"

(*) : Le titre original du roman est Wool qui signifie laine. Une référence aux tampons qu'utilisent les condamnés pour nettoyer l'objectif des caméras.

Philip K. Dick - Le Dieu Venu du Centaure (The Three Stigmata of Palmer Eldritch) (1965)

Ah Philip K. Dick !!! Mon auteur favori qui "écrase" tous les autres. Un nom qui résonne dans mon petit cerveau malade et qui est généralement associé à des romans forts, qui marquent l'esprit pour très longtemps, même ses oeuvres dites mineures. Alors chroniquer un de ses livres pour la première fois s'annonce comme un exercice périlleux, voire difficile… Surtout avec ce Dieu venu du Centaure, un des premiers romans où l'auteur aborde le thème de la religion.

Je vais commencer par essayer de raconter l'histoire sans trop spoiler… et sans trop m'embrouiller !! Le récit s'articule autour de plusieurs personnages qui nous sont présentés dans la phase d'introduction du roman. Sur Terre, devenue pratiquement inhabitable suite à un réchauffement climatique terrible, nous faisons la connaissance du héros, Barney Mayerson. Un conseiller "precog" dont le travail consiste à prédire le succès des futurs objets produits par la société des Combinés P. P. (Poupée Pat), dirigée par Leo Bulero. Grâce à l'absorption d'une drogue illégale, le D-Liss, l'utilisateur se prendra pour Pat, ou Walt, son petit ami, dans un joli petit monde rempli de petits objets à la mode… Une hallucination qui s'apparente à Barbie et Ken. L'auteur nous présente ensuite des colons martiens à qui les Combinés P. P. sont destinés, pour procurer un peu d'évasion sur ces nouveaux mondes durs et désertiques. Leur vie se résumant à entretenir leur jardin et jouer à Poupée Pat. Ajoutez à ce beau monde l'ex-femme de Barney, sa nouvelle assistante aux ambitions démesurées, une néo-chrétienne limite fanatique, des membres influents de l'ONU, une espèce de valise-robot-psychiatre, deux disc-jockeys dans un satellite en orbite autour de la terre et vous aurez une belle brochette d'intervenants qui auront leur rôle à jouer dans l'intrigue.

Reste le mystérieux Palmer Eldritch ! Un homme d'affaire dont le vaisseau s'est écrasé sur Pluton de retour d'un long périple vers Proxima du Centaure. La rumeur veut qu'il ait ramené avec lui une drogue supérieure au D-Liss, le K-Priss, accompagné du slogan "Dieu vous promet la vie éternelle, nous, nous la dispensons". Tout ça pousse Leo Bulero, qui gère illégalement le trafic de D-Liss, à contacter ce fameux Eldritch. Les visions de Barney vont également montrer que Leo tuera Palmer !

Et là, c'est les montagnes russes qui démarrent. Après cette intro limite fastidieuse, l'auteur nous raconte la rencontre des deux ennemis, Leo et Palmer dans un chapitre qui met KO à la lecture… Impossible de lâcher le roman après ça !! A son insu, Palmer inocule du K-Priss à Leo,  et le trip est déroutant pour nous, lecteurs. Comme régulièrement chez Philip K. Dick, il faut relire certains paragraphes pour être sûr d'avoir bien saisi le déroulement des choses. Tout ça nous mènera à un final à base de trip dans tous les sens, la nouvelle drogue étant  distribuée sur mars où les colons et Barney, exilé lui aussi là-bas, testeront son effet qui entraînera une réflexion limite philosophique sur la nature de Dieu et où le personnage de Palmer Eldritch se révèlera être autre chose qu'un homme d'affaire revenu du Centaure…

On sait que Philip K. Dick s'est questionné sur le réel et ici, par l'intermédiaire d'hallucinations provoquées par la drogue, il pousse sa réflexion assez loin. J'avoue avoir été un peu déboussolé par moment, mais je savais dans quoi je me lançais. Il faut accepter le parti pris de l'auteur qui pousse toujours à la remise en question de ce qui se passe sous nos yeux dans le roman. Cette expérience, unique chez Dick est enivrante. Le roman peut être comparé aux drogues décrites dans celui-ci, qui peuvent avoir des effets très long dans le temps. En effet, à la fermeture du livre, les questionnements continuent à nous travailler, constamment l'auteur nous pousse à penser au-delà de nos habitudes.

Ce roman pourrait être qualifié de "philo-fiction", si j'osais mais je n'ai pas assez de bagage intellectuel pour affirmer ce genre de chose. Le postulat de base est complètement SF mais l'exécution n'y ressemble pas. Il semblerait que l'auteur se soit converti au Christianisme pendant l'écriture de ce roman, ce qui explique l'apparition d'un personnage "néo-chrétien" bien après la phase d'introduction des différents protagonistes. Tout ça est déroutant quand on découvre un roman de Dick. Son oeuvre n'est pas facile d'accès. Et comme si ce n'était pas assez suffisant, il insuffle dans ses récits des tonnes de pistes de réflexion, là où certains font des séries de livres avec une seule idée.

Pour moi l'aboutissement de ce roman nous pousse à avoir un jugement sur la nature de Dieu, même si on ne s'était jamais posé la question. Il est d'ailleurs dommageable que l'éditeur français ait choisi le Dieu venu du Centaure comme titre. L'affirmation qu'on soit confronté à Dieu et qu'il vienne du Centaure est une simplification honteuse de la trame du roman. Vous pensez bien que c'est plus compliqué que ça ! Le titre original, The Three Stigmata of Palmer Eldritch est beaucoup plus subtil et ne donne qu'un indice qui fera écho à un rebondissement important de l'intrigue dont j'aurais pu toucher un mot mais dont je préfère vous laisser découvrir la bizarrerie…

Que dire en conclusion, si ce n'est que tout ça conforte l'idée que Philip K. Dick est un génie, injustement boudé de son vivant qui, année après année, est considéré comme un des grand maître de la SF. Ce Dieu venu du Centaure m'a passionné et j'espère avoir donné envie à certains d'y jeter un oeil curieux, contrairement aux yeux artificiels de Palmer Eldritch, l'un de ses trois stigmates…

CITATION:
Il n'y avait plus autour de lui qu'un vide éclatant, une réverbération éblouissante, annonciatrice, se dit-il, de cet épiphénomène auquel on donne le nom de "réalité".

Le sang des sept Rois-Livre premier- de Regis Goddyn.

Tout d'abord ce fut une couverture qui attira mon regard, un dessin en noir et blanc des plus réussi évoquant une bande dessinée. Mais il s'agissait bien d'une saga de Fantasy initiée par un auteur français et promise à s'étaler sur sept volumes.
Le livre est beau, agréable à tenir et à lire; les éditions L'atalante font encore du très beau boulot!

Ce monde est composé de sept royaumes, entourés de mers extérieures et entourant une mer intérieure.

Venons-en à l'histoire, qui, sous des dehors plutôt classiques dans le genre, se montre bien plus singulière et absorbante qu'elle n'y paraît.

Une nuit, deux enfants sont enlevés à Hautterre, dans le Premier Royaume. L'opération a été rondement menée et aucune violence n'est à déplorée. Le sergent Orville est chargé de traquer les kidnappeurs qui fuient par les massifs montagneux de la Crête de l'Ouest.
Toute la première partie est axée sur cette poursuite où les mystères s'épaississent quant aux kidnappeurs. Ils apparaissent très organisés et connaissent très bien la Crête de l'Ouest. Orville, malgré tout son talent a du mal à les rejoindre et se retrouve bientôt seul pour poursuivre la traque. Il consigne l'avancée de sa mission dans un journal destiné au Vicomte de Hautterre et ses petites pages nous permettent de gravir la montagne plus intimement, au côté d'Orville.

L'histoire avance donc à petits pas, se cache derrière un bosquet et prend le temps de se reposer avant de repartir furtivement. Orville découvre petit à petit qu'il est doué de pouvoirs peu communs et les prémices du mystère concernant le "sang bleu" commencent alors à prendre forme.

Ce sang bleu, hérité des premiers Rois est la préoccupation première des Théocrates, des hommes à la fonction religieuse, chargés de contrôler les naissances. Mais c'est en fait un ordre militaire appelé la Garde qui veille dans l'ombre à ce que le sang bleu soit régulé afin que leurs postions avantageuses ne soient menacées. Mais ces Gardiens, de sang bleu, vivant environ sept siècles et possédant plus de force que les hommes, voient leur avenir fragilisé alors que les Rebelles, des roturiers au sang bleu semblent refaire surface.

Nous suivons également la fuite de Rosa une enfant traquée par l'inquisition et possédant d'étranges pouvoirs. Le sang de Rosa est rouge, mais elle est douée d'une perception hors norme qui lui servira à aider le plus de monde possible. Elle croisera la route de Cravan, un Gardien violent et sans pitié.

La lecture de ce roman est simple, agréable et l'histoire déroule sans que l'on s'en rende compte. La beauté des paysages n'a d'égale que les enjeux politiques liés à une mythologie bien mystérieuse qui prend forme au cours du chemin parcouru.

J'espère que cette saga tiendra la route sur les six livres restant. Elle possède en tout cas un charme indéniable qui me pousse à la continuer!


CITATION:
Orville émergea péniblement du sommeil et chercha ses esprits égarés dans les lambeaux de sa nuit.